En 1933, Claudel découvre une
charmante poésie intitulée « La
chanson de Pan », œuvre d’un
poète du 1er empire, de Piis. Le sujet lui paraît intéressant et
beau. Son rythme est si nerveux, si gai et entraînant qu’il pourrait tenter un
musicien, son ami Darius Milhaud. « La musique semble faite pour s’y
ajouter d’elle-même, » lui écrit-il rapidement. L’idée lui vient d’écrire
un second poème pour voix de femme. Ce serait la réponse de la nymphe Syrinx à
l’assiduité du dieu Pan.
Milhaud accepte sans hésiter
de mettre en musique les deux poèmes. Il va proposer à l’écrivain qui lui décrit
la chanson puissante des flots agités du
Rhône passant près de son château de Brangues d’introduire de la musique
instrumentale dans la cantate. Les remous bruyants de l’eau, les hauts troncs
des peupliers sur les berges ne sont-ils pas comme les tuyaux d’une flûte naturelle
jouée par Syrinx ? Les deux poèmes seront donc précédés de deux nocturnes
pour instruments : flûte, hautbois, saxophone, basson et piano.
Un troisième poème parait
bientôt nécessaire à l’écrivain. Plus haut que les peupliers, il y a la courbe
tendre des collines et des montagnes proches qui font une ronde au rythme des
sabots du faune. Et de ce monde sonore va naître la gamme. Pan est rêveur et
triste, mais il a conquis la voix de Syrinx qu’il pourra faire chanter selon
son désir.
Dans le troisième numéro, la
danse des montagnes, Milhaud a réuni les instruments et les voix. Les pièces
instrumentales sont calmes et rêveuses, en opposition aux airs pour quatuor
vocal légers et animés.
Cette œuvre injustement délaissée démontre
une fois de plus que le musicien n’a pas de système d’écriture. La musique
jaillit de sa pensée et de son cœur, poussée par l’idée poétique, de telle
façon que chaque œuvre des 443 écrites apparaît toujours originale et unique.
Micheline Ricavy